Un ensemble de trésors inestimables - qui ont traversé les âges – a enfin été dévoilé. L’exposition “Trésors des bibliothèques de Versailles” rend, jusqu’au 16 décembre, un très bel hommage au livre en tant qu’objet, mais surtout à l’écriture et au geste de l’homme, de la monnaie aux dessins, en passant par la cartographie, la partition et l’enluminure.
L’histoire de ces objets permet de penser l’impensable. Par exemple, que cette reliure en soie, miraculeusement stabilisée, se soit trouvée entre les mains d’un autre humain il y a plus de 200 ans, relève du rêve, presque de la fiction. Et lorsque l’on apprend que le propriétaire de l’époque n’était autre que Louis XVI, l’imagination s’emballe.
Soudain, la grande Histoire n’est plus qu’un prétexte à l’évasion et se retire derrière l’intime jusqu’à disparaître presque tout à fait. La nouvelle exposition de la bibliothèque de Versailles est une invitation au voyage dont le point de départ est le for intérieur de chaque visiteur. Le livret d’exposition est proposé en FALC (Facile à lire et à comprendre) et le parcours ouvre une brèche dans le tempo du monde.
Une chasse aux trésors discrète et silencieuse
La bibliothèque abrite de nombreux trésors que Vincent Haegele, directeur des bibliothèques de Versailles, et ses équipes, ont eu l’art de tirer d’un très long sommeil. Ce sont ainsi plusieurs tablettes cunéiformes en argile, provenant d’Irak et remontant aussi loin que 2037 avant JC, et des monnaies anciennes qui accueillent le visiteur.
Si l’écriture cunéiforme est la plus ancienne forme d’écriture humaine, elle doit son nom à ses lettres en forme de clous et de coins. Les murs, recouverts aujourd’hui d’ouvrages, révélaient autrefois des cartons tandis que le cabinet des limites renfermait toutes les cartes concernant les frontières de France. Les portes en enfilade sont surmontées du nom de villes étrangères et de peintures, faisant état des relations qu’elles entretenaient avec le territoire.
Histoires et scandales
Le visiteur ne connaîtra pas tous les objets exposés. Comment le pourrait-il ? En revanche, chaque pièce porte le secret de son histoire, à commencer par sa provenance. Ici La Partie de chasse de Henri IV, premier livre que Marie-Antoinette aurait reçu en France. Là, le Petit Livre Secret de la marquise de Maintenon dévoile l’écriture de sa propriétaire en un objet particulièrement émouvant. Il avoisine les propriétés de Madame du Barry,Madame de Montespan tandis que plus loin, des reliures dissimulant des marguerites évoquent subtilement celle qui fut appelée la Reine Margot.
Certains scandales ont voyagé dans le temps pour miraculeusement échouer dans ces vitrines. Il en va ainsi du mystérieux commentaire manuscrit des Œuvres Philosophiques de François de Fénelon par Jean Meslier, autrement connu sous le nom de “Traité du curé Meslier”, dont il ne reste plus que quelques exemplaires dans le monde. Voltaire aurait été le premier à réaliser une copie pour sa bibliothèque, bien qu'il s'en soit toujours défendu.
L’une des stars dans cette déferlante est sans doute le Cymbalum Mundi, publié anonymement au XIVème siècle, livre culte au XVIIIe siècle, et qui a provoqué la colère absolue de François 1er . Ce dialogue satirique entre un croyant et un incroyant a déchaîné tant de passions qu’il a bien failli ne jamais arriver jusqu’à nous. Celui qui est montré dans l’exposition est issu directement de la bibliothèque privée de Louis XVI. L’auteur anonyme rapidement démasqué en la personne de Bonaventure des Périers eut en effet le malheur de faire allusion en œuvrant à un ennemi du souverain. En guise de sanction, François 1er ordonna la destruction du livre, la mise à mort de l'imprimeur, qui finit par succomber en prison. L'auteur s'est quant à lui suicidé, et tous les exemplaires ont disparu, sauf deux. On les soupçonne d’ailleurs d’être ensorcelés.
L’édition originale du Don Quichotte
L’ouvrage éclipserait presque l’édition originale du Don Quichotte de Cervantes qui appartint juste avant la Révolution à l'ambassadeur de France à Naples puis au comte de Provence à Versailles, qui reviendra sous le nom de Louis XVIII.
Pour encore plus d’émotions rendez-vous dans la salle des faux où loge le plus célèbre des faussaires : Denis Vrain-Lucas. Poursuivi, celui-ci a ordonné la destruction de ses faux. Miraculeusement l'un est arrivé à la bibliothèque grâce à la naïveté du Marquis Duprat. Fort heureusement pour nous, le malheureux s'était fait duper et a conservé les exemplaires qu’il croyait authentiques.
Le dernier rebond du parcours, juste avant la maquette navale, donne à voir et découvrir l’histoire de deux bagues-sceau qui ont peut-être changé le cours de l’Histoire. Un indice : l’une d’entre elles est impliquée dans la signature du traité de Francfort en 1871, puis dans celle du traité de Versailles par Clémenceau.
La dimension graphique
Les dessins de Fragonard qui illustrent les Fables de La Fontaine, l’édition originale des Caprichos de Goya avoisinent les gravures miniatures de Callot, les reproductions annotées du Laocoon à des fins d’études parviendraient presque à faire oublier au regard de se lever. Sur les panneaux verticaux nichent pourtant deux sublimes portraits d’Ingres, une attribution à Rembrandt et une étude de crucifixion de Véronèse. La Petite boudeuse attribuée à Saly arrête, par sa composition étonnement contemporaine, en buste, et son expression.
Justement mise en avant dans l’exposition, une section consacrée à l’ouvrage à plusieurs mains qui met notamment en lumière de somptueuses enluminures, remet le geste de la main à sa juste place, celui de liant entre les civilisations.
Bibliothèque Centrale - 5, rue de l'Indépendance américaine, Versailles. De 13 heures à 18 heures. Entrée libre. Infos : www.versailles.fr