La fraude a duré de septembre 2021 à mai 2022. Trente mois de prison, dont un an ferme, ont été requis contre deux sœurs, gérantes d’un cabinet dentaire à Trappes. Elles étaient jugées lundi dernier, à Versailles, pour une vaste fraude à l’Assurance maladie. La procureure de la République a également demandé au Tribunal correctionnel de prononcer une interdiction définitive de gérer une société commerciale et de travailler dans le secteur médical à l'encontre des prévenues.
1,3 million d’euros de préjudice
Les deux femmes, âgées de 32 et 43 ans, sont mises en cause pour avoir facturé des actes fictifs à des patients, couverts par la Complémentaire santé solidaire (ex-CMU) et donc dispensés d'avancer leurs frais médicaux, et avoir indument perçu des remboursements de Caisses primaires d'assurance maladie (CPAM). Le montant total du préjudice est estimé à un peu plus de 1,3 million d'euros, principalement au détriment de la CPAM des Yvelines.
Outre l'escroquerie aggravée, les prévenues sont soupçonnées d'exercice illégal de la profession de chirurgien-dentiste pour avoir embauché des dentistes étrangers non habilités à pratiquer en France et avoir usurpé l'identité de praticiens ayant quitté le cabinet. Elles sont également poursuivies pour fraude à Pôle emploi et blanchiment d'argent. Le Parquet a, en outre, assimilé un projet d'achat immobilier à Dubaï des deux prévenues à une tentative de fuite «après avoir pillé le système de santé ».
Un patient porte plainte
Reconnaissant une « mauvaise gestion », les sœurs, qui ont comparu libres sous contrôle judiciaire, ont avant tout incriminé leurs anciens employés et patients ainsi que leur expert-comptable. « Il y a eu des manquements mais de là à nous dépeindre comme des monstres, ce n'est pas vrai », a affirmé la plus jeune, qui a aussi décrit les pratiques du cabinet comme monnaie courante.
La présidente du tribunal s'est dite « estomaquée » par cet argument. « Ce n'est pas parce que tout le monde pratiquerait la fraude à la prestation sociale que ce serait normal de le faire », a-t-elle lancé. L'affaire a débuté en février 2022, après la plainte d'un patient venu faire un détartrage, avant de découvrir, sur son compte Ameli, une prestation facturée plus de 8 000 euros, pour une couronne jamais posée. Après s'être manifesté auprès du cabinet et s'être vu proposer 4000 euros pour garder le silence, l'homme a déposé plainte au commissariat d'Élancourt.
Une enquête anti-fraude, menée par les services de police, des impôts et l'Assurance maladie, a alors été diligentée. Elle a conduit à la saisie de plus de 1,2 million d'euros sur le compte du cabinet et à l'interpellation, en janvier, de quatre personnes de la même famille, dont les 2 sœurs jugées lundi dernier. La décision sera rendue le 26 juin.