"Jeu du traducteur loufoque", du "chevalier optimiste" ou encore lancer de patate : pour faire face à "une époque de dingue", une formation insolite s'attelle à utiliser l'humour comme outil de cohésion et de bien-être au travail.
L’humour pour mieux travailler
Ce jour de juin, quelque 40 responsables d'une association gérant une quinzaine d'établissements d'accueil pour handicapés, sont en séminaire à Clairefontaine-en-Yvelines, sans avoir été avertis du programme de la journée.
Chemise bariolée et large sourire, le formateur, Christophe Tricart, donne le ton en annonçant qu'ils vont plancher sur "la psychanalytique au service de la vie", avant de dévoiler le vrai sujet : "l'humour positif et l'optimisme pour drôlement mieux travailler". Et de promettre que "ça va être très chouette !", sur fond de musique de carnaval.
D'emblée, des rires fusent dans la salle, sur fond de léger malaise face à cet hurluberlu, à mi-chemin entre Gaston Lagaffe et Garcimore. Dans la formation depuis plus de 10 ans, essentiellement dans des grosses PME et associations, il revendique de "forcer la dose". "Les cinq premières minutes, je me suis dit : la journée va être longue...", confessera plus tard un participant.
Pression et difficultés de recrutement
Chantal Caillabet, directrice de l'association Délos Apei 78 (environ 450 salariés pour un millier de personnes accueillies), explique avoir choisi cette formation, trouvant les responsables "fatigués". Face, notamment, à "énormément de pression" et des "difficultés de recrutement", elle souhaitait leur offrir "une parenthèse" pour lâcher prise.
"On est tellement dans une époque de dingue et stressante qu'une déconnexion ça va être bien", professe le formateur qui se propose de construire une relation "rigoloveillante". Expliquant être "coaché par un agriculteur pour avoir la frite", il n'hésite pas à lancer... une pomme de terre pour susciter des prises de parole.
La journée alterne entre jeux en extérieur et séquences en amphi. Un Power Point liste, par exemple, les occasions d'humour au travail : mails, réunions, discours... A petite dose, précise le formateur, pour qui cela doit se limiter à 15 à 20 % au quotidien.
Des saynètes loufoques
Par équipes, les salariés préparent des petites saynètes loufoques, pour présenter leur organisme. Les rires fusent notamment lorsqu'un groupe s'imagine en télétravail depuis Mykonos. "On s'est bien lâchés !", constatent des participants, ravis, à l'instar de Marie-Pierre qui dirige un Esat, de "découvrir les gens autrement".
Un autre jeu voit s'opposer deux camps, dans une forme de joute entre Chevaliers : les optimistes, défenseurs de l'humour au travail, et les pessimistes. "Qu'est-ce que je fais là ?", «on n’est pas là pour rigoler", disent les uns. "Dédramatisez !", "l'humour met de l'huile dans les rouages", disent les autres. Après la pause déjeuner, le formateur propose un "réveil digestif" en cercle, avec exercices de respiration et vocalises. "Cette secte me fait flipper", glisse en riant un participant.
Les bienfaits du rire
Au fil de la journée, des conseils sont distillés, tels que "pratiquer une détente corporelle", "savoir écouter à 200%"..., avec des rappels des bienfaits du rire (baisse du cholestérol, diminution de la douleur...).
Pour le "jeu du traducteur loufoque", une personne raconte une journée particulièrement difficile, pendant qu'une deuxième traduit de façon positive, comme si c'était une langue étrangère. Sylvain, qui dirige les deux Instituts Médico-Educatifs (IME) de l'association (environ 150 enfants accueillis) raconte le jour où un jeune a été retrouvé dans un bus. "Ça y est, on a réussi à rendre autonome un jeune homme !", dit la traductrice, déclenchant à nouveau des rires.
Un lancer de patate
La journée s'achève avec un nouveau lancer de patate pour faire le bilan : une journée "zygomatiquement expressive" dit l'un, "assez étonnante" dit une autre, avec "pas trop de réflexion cérébrale", salue une troisième.
Marc, directeur adjoint dans un foyer pour adultes, n'a "pas forcément" appris grand-chose, mais est "conforté dans le fait que l'humour est vraiment un outil utile". Bruno constate que le formateur en étant "complètement décalé", amène cela de façon "très subtile" pour que "les gens se lâchent". "C'est tombé au bon moment", juge Éric qui gère des structures d'accueil pour adultes autistes. "Il y a des petites lumières qui se sont allumées", dit-il, en s'engageant à "dédramatiser les choses".