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Achrène Dyrek, astrophysicienne à Saclay : “Je veux montrer que les métiers du spatial sont accessibles”

Astrophysicienne basée en Essonne, Achrène Dyrek a été désignée lauréate du Prix "Jeunes Talents pour les Femmes et la Science”.
Achrène Dyrek, astrophysicienne lauréate du “Prix Jeunes Talents Pour les Femmes et la Science”.
© DR / Clémence Losfeld - Achrène Dyrek, astrophysicienne lauréate du “Prix Jeunes Talents Pour les Femmes et la Science”.

Économie Publié le , Propos recueillis par Quentin Clauzon

Astrophysicienne basée en Essonne, Achrène Dyrek fait partie des 35 jeunes chercheuses françaises qui ont été désignées lauréates du “Prix Jeunes talents pour les femmes et la science”, décerné par la Fondation L’Oréal, en partenariat avec l’Académie des sciences et la Commission nationale française pour l’Unesco. L’astronomie a toujours fait partie de la vie d’Achrène Dyrek, qui se dit autant émerveillée par l’observation que par l’outil qui y est dédié. Après des études scientifiques, elle a l’opportunité de travailler sur le plus grand télescope au sol jamais construit, le futur ELT. C’est à cette période que sa vocation prend forme et la conduit à suivre un doctorat, qu’elle vient d’obtenir il y a peu. Affiliée à l’Université Paris-Cité, elle travaille au CEA de Saclay, au sein de l’IRFU (Unité mixte de recherche astrophysique instrumentation modélisation).

La Semaine de l'Île-de-France : Pourriez-vous expliquer votre rôle ? Vous étudiez l’atmosphère des exoplanètes ?

Achrène Dyrek : C'est ça, exactement. Pour résumer, une exoplanète est une planète qui n'est pas dans notre système solaire, mais qui orbite autour d'une autre étoile que le Soleil. Ce que j'essaie de faire, c'est de comprendre pourquoi ces exoplanètes existent, en quoi elles sont différentes des planètes de notre système solaire et de mettre en contexte l'unicité de notre système solaire. Est-ce qu'on est unique, seuls dans l’univers ? Est-ce que finalement, ce qu'on a dans le système, on en trouve partout ? Quelles sont les conditions d’habitabilité ? Et pour cela, j'étudie leur atmosphère. J'essaie de comprendre les molécules qui la composent. Et je fais ça avec le James Webb Space Telescope. Il a été lancé il y a deux ans seulement.

Vous avez détecté pour la première fois des photons provenant d'une exoplanète rocheuse et tempérée comme la Terre. Pourriez-vous rappeler ce qu’est une planète rocheuse ? Quel est le lien avec la chasse aux exoplanètes ?

Quand on parle de planète rocheuse, cela signifie que la planète est identique à la Terre en termes de constitution, en tout cas d’après les éléments dont nous disposons. On sait qu’elle a une masse et un rayon très similaires à la Terre.Mais la détection d’exoplanètes et une autre matière.

Pour ma part, je suis centrée sur l’étude de l’atmosphère. Il faut savoir que la caractérisation a fait un bond grâce au James Webb, le plus grand télescope spatial jamais construit, qui se compose d’un miroir primaire énorme de 6,5 mètres de diamètre.

Il dispose d’une sensibilité qui lui permet d'aller collecter les photons/la lumière de sources qui sont extrêmement faibles. On va pouvoir détecter par exemple, dans un autre domaine, les galaxies lointaines, qui font partie de ces sources faibles. Dans notre domaine, on va pouvoir caractériser les petites planètes comme la terre, parce que nous avons l'infrastructure qui nous permet de le faire.

© DR / Clémence Losfeld. - Achrène Dyrek travaille au CEA de Saclay.

C'est le principe de l'ouverture d'un appareil photo ?

C'est exactement ça. C'est d'ailleurs l'exemple que j'utilise le plus souvent. Un appareil photo, c'est le même principe. On a une optique qui récolte de la lumière et une électronique qui permet de fabriquer une image numérique.

En fait, nous étudions plus précisément le système Trappist-1. Nous avons travaillé sur la première planète de ce système, qui se compose de sept planètes rocheuses. Lorsque l’on étudie des planètes qui sont très proches de leur étoile, il est très difficile de les distinguer. Par conséquent, nous attendons le moment où la planète passe devant son étoile et masque sa lumière. Nous sommes capables de détecter cette petite diminution d’émission de lumière. C’est une méthode indirecte, c’est-à-dire qu’on ne voit pas la planète, mais on voit l’impact de la planète sur la lumière de l’étoile. Elles n'émettent pas la lumière visible, elles émettent dans l'infrarouge. Nous-même, nous avons des corps chauds qui émettent dans l’infrarouge et il est possible de le détecter via une caméra thermique par exemple.


En quoi votre découverte est une première ?

C'était une première parce que c'est une petite planète. Les planètes rocheuses et tempérées comme la Terre sont de petits éléments par rapport à tout ce qui existe dans l'univers. Et c’est grâce au James Webb que nous avons pu déterminer la température de cette planète, qui est de 230 degrés Kelvin.

Chez nous, la température est d’une vingtaine de degrés en moyenne. Donc on se demande ce qui fait qu'une planète peut être plus chaude que Mercure, la première planète du système solaire. De quoi est-elle constituée ? Est-ce qu'elle a une atmosphère ? Ça ouvre tout un tas de questions sur les planètes comme la nôtre.

Comme il s’agit de la première planète, c'est la plus facile à étudier. Les autres sont tellement loin derrière que c'est très complexe. Si on sait que la première est à telle température, on se dit que celles qui suivent sont forcément plus froides, etc. Donc c'est une porte d'entrée. C'est la meilleure image qu'on a de ce qu'on fait.

Quelle a été votre réaction en apprenant la nouvelle ? Avez-vous rencontré des difficultés dans votre parcours scientifique en tant que femme ?

C'est un honneur d'avoir reçu ce prix. Pour être honnête, c'est une très grande reconnaissance de nos travaux. En plus, c'est accompagné d'une dotation, ce qui permet de financer des projets concrets par la suite. Pour moi, l'aspect très technique et très concret est vraiment primordial.

Ensuite, ce prix représente beaucoup de choses, et notamment la place des femmes en science. C'est une réalité terrain. Nous sommes trois filles dans notre labo, donc très peu nombreuses par rapport aux hommes. Au quotidien, cela se passe très bien, mais quand on est jeune et qu'on cherche sa voie, on ne pense pas forcément à ces métiers-là parce qu'on ne voit pas de femmes.

Le point positif dans le fait d’avoir obtenu ce prix c’est aussi de pouvoir aller dans les écoles, les collèges, les lycées pour discuter, présenter et montrer que c’est accessible. L’astrophysique est une matière qui fait un peu peur. On me dit souvent que l’on doit être très intelligent pour s’y consacrer. Je pense que ce n’est pas vrai. Ce qui compte, c'est de travailler, comme dans tous les métiers. On peut vouloir faire des études, mais certaines personnes ne le souhaitent pas forcément. Donc mon objectif, c'est aussi de montrer que c'est accessible parce qu'il y a une large palette de métiers possibles si on aime le spatial, l'astronomie.


Le programme “L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science”

Les organisateurs du programme considèrent que les femmes sont encore trop peu présentes dans la recherche scientifique : elles ne représentent que 29 % des chercheurs, contre 33,3% au niveau mondial. Aussi, depuis 1998, le programme “L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science” a pour vocation d’accélérer les carrières des femmes scientifiques et de lutter contre les obstacles qu’elles rencontrent, “pour qu’elles puissent contribuer à la résolution des grands défis de notre temps”.

En 25 ans, le programme a soutenu plus de 4100 chercheuses originaires de plus de 110 pays. Les lauréates bénéficient d’une dotation de 15 000 euros pour les doctorantes et de 20 000 euros pour les post-doctorantes, pour les aider à poursuivre leurs travaux de recherche. Elles profitent aussi de formations au leadership pour les aider à affronter le plafond de verre et à mieux valoriser leurs recherches.

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